Seule sur le Transsibérien, de Géraldine Dunbar

Publié le 18 Octobre 2011

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Voyages vers l'Est... Après A l'auberge de l'Orient, c'est avec Géraldine Dunbar, trentenaire britannique, que les éditions Transboréal nous invitent à embarquer, cette fois à bord du Transsibérien. Je suis loin d'être le seul à rêver à l'évocation de ce train mythique, qui traverse la Russie sur près de 10000 kilomètres... Le récit de voyage s'articule autour de plusieurs temps, celui de l'avant-départ dans la bouillonnante et déconcertante Moscou; celui de l'aller, avec des descentes de train de quelques jours dans plusieurs villes étapes; celui du retour de Vladivostok à Moscou, en "direct"; et enfin la rencontre avec une autre voyageuse, d'il y a quelques décennies. Le volume est enrichi d'une carte, d'un cahier photos, d'un recueil de courtes citations de la littérature classique (de Tolstoï à Cendrars en passant par Tchekhov et Verne), d'informations pratiques pour qui voudrait effectuer le voyage, ainsi que de conseils de lecture, d'écoutes, etc. Très complet donc.

 

Le texte de Géraldine Dunbar fourmille d'un luxe de détails, de ces centaines de rencontres évoquées par quelques phrases la plupart du temps (mais systématiquement ou presque avec le nom de la personne rencontrée, et quelques questions qui reviennent, comme "qu'est-ce qui vous fait rêver ?"). Une mosaïque certes impressionnante, mais qui reste, malgré donc l'abondance de données factuelles, assez superficielle. Peut-être aurait-il été encore plus intéressant de ne pas décrire autant de rencontres, mais d'aller plus loin dans les quelques-unes racontées. Le lyrisme exprimé paraît parfois disproportionné eu égard à la relative brièveté de la rencontre.

 

En tous cas, ce récit, qui met au coeur du voyage la découverte de l'autre, ce récit donc, montre un pays, un peuple qui est confronté à de profonds bouleversements depuis vingt ans. Une minorité a basculé dans le vingt-et-unième siècle, la société de consommation, sans foi ni loi. La majorité ne peut qu'observer ces "élites" et constater qu'au quotidien, non seulement les choses ne s'améliorent pas vraiment, mais qu'elles ont même tendance à se dégrader; précarité de l'emploi, pauvreté et autres "effets collatéraux" du libéralisme se développent à grande vitesse.

 

Pour finir, quelques extraits, pour continuer à rêver un peu, quand même.

 

"Le lac Baïkal fait corps avec le ciel, la flore, la faune, aquatique et terrestre, dans toute sa beauté, et dans une pleine tranquillité; c'est un royaume paisible. La solitude n'existe pas. La vie dans cette quiétude millénaire se poursuit et rassénère. Elle invite le voyageur à se pencher sur les origines, le mystère de la Création, et le rôle qui incombe à l'homme sur cette terre." (pages 148-149).

 

"Plus loin, sur la promenade qui longe le golfe Amourski, je suis saisie par une banale scène de tendresse: un vétéran, âgé de 80 ans environ, les cheveux blancs épais sur une tête digne et carrée, robuste dans un costume gris orné d'une médaille en argent, tend à son épouse un sac qui contient un crabe géant du Kamtchaka. Elle sourit en arrachant une grosse pince froide. C'est alors que son mari, dans un élan fougueux, la prend par la taille et pose un baiser sur sa bouche de corail. Ses petits talons blancs tremblent, et moi aussi. Je n'avais plus remarqué ces hommes depuis le rassemblement des anciens combattants à Moscou, presque quatre mois plus tôt. La chaleur sans doute. Ils sont de moins en moins nombreux, entourés par les souvenirs de leur jeunesse soviétique éloignée, bientôt effacée des esprits, emportée par le tumulte de l'ère moderne. Chère Russie... Je songe à mon camarade Guéorgui, de Moscou. Le temps est venu de le retrouver. Mon tour dans ce coin de jardin de notre planète Terre est achevé. Ce qu'il y a de beau avec notre Terre, c'est qu'elle est ronde. La promesse d'en venir à bout est à jamais irréaliste. Un peu comme la balade sans fin de la Voie lactée dans l'océan noir de l'univers." (pages 215-216)

 

 


 

Pour en savoir plus:

 

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Rédigé par davveld

Publié dans #Livres

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