Déposition, de Léon Werth
Publié le 10 Septembre 2007
"Déposition" est sous-titré "Journal de guerre 1940-1944". Dans cette version, il s'agit d'extraits. D'un vrai journal, tenu par un écrivain juif français pendant l'Occupation. Pour situer
l'auteur, sachez que c'est à lui que Saint-Exupéry a dédié "Le Petit Prince". Rien que ça. Ils étaient meilleurs amis.
Léon Werth fuit à Bourg en Bresse, en zone libre pendant deux ans (il revient peu avant la Libération à Paris). "Libre" est une façon de parler, car le régime vichyssois n'est pas le plus libéral
que l'on connaisse. A travers de très courts paragraphes, commentant des articles de presse, des émissions de radio (collaborationniste ou anglaise...), des discussions avec la population, Léon
Werth évoque par petites touches ce à quoi pouvait ressembler la vie, et les mentalités de l'époque. Sa "Déposition" n'aura pas été retravaillée après guerre, et la lucidité de l'auteur est tout
simplement bluffante par moments ! Parfois humoristique, parfois moins accessible (malgré les nombreuses notes de cette ré-édition), le texte m'a surtout rappelé l'infâmie des Nazis et des
collabo zêlés. L'étoile juive. Difficile d'oublier, mais j'ai rarement autant réalisé son caractère humiliant qu'en lisant ce livre. Les tortures des suspectés de Résistance ou des otages, par la
Gestapo ou la milice. D'une cruauté innommable, comme toujours quand il s'agit de torture. Et ces questions, lancinantes, comme la chanson de Goldman ("Né en 17 à Leidenstadt"): à leur place, que ferions-nous, qui serions-nous ?
Léon Werth échappera à la déportation.
"Déposition" est une leçon d'Histoire. Un témoignage de l'état d'esprit d'une époque pas si ancienne mais inimaginable pour des jeunes comme moi. Guy Môquet, dont on parle beaucoup ces temps-ci, n'est pas le seul à avoir un message à transmettre, n'en déplaise à notre Président.