Un aller simple pour Maoré

Publié le 17 Février 2009

Mardi 17 février
Paris 5, Espace Saint-Michel

UN ALLER SIMPLE POUR MAORE
Documentaire de Agnès Fouilleux (F, 2009)

TELERAMA


Mon appréciation: 7/10

Les Comores. Quatre îles (Anjouan, Grande Comore, une autre et Mayotte), qui, au regard du droit international, forment une seule nation. Pas de frontières donc entre les îles. Exotisme, liberté, ça semble pas mal sur le papier.

Oui mais voilà, la France, pour une série de raisons toutes plus honteuses que les autres (besoin d'une base de mercenaires pour intervenir en Afrique nouvellement décolonisée, soutenir officieusement le régime d'apartheid en Afrique du Sud, établir des bases militaires, etc.), et avec des procédés tout aussi honteux (tabassage des opposants, manipulation du référendum d'auto-détermination au mépris du droit international, droit rappelé (au cas où on n'aurait pas fait exprès) chaque année dans des résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies), bref la France fait comme si l'île de Mayotte était française.

"Comme si", c'est un système de gouvernement (notamment un préfet), un système éducatif et sanitaire administré par Paris. Une colonie, vraiment. Une aberration pour toute personne ayant fait du droit.

Mais l'abject ne s'arrête pas là. "Comme Mayotte c'est la France", et les autres îles des Comores ce n'est pas la France, les populations des autres îles sont des "étrangers"; une aberration de plus.

Allons plus loin encore (en France, quand il s'agit de bafouer les principes, on est aussi fort que quand il faut énoncer ces mêmes principes). Comme à Mayotte, la situation en terme de développement est moins catastrophique (c'est une façon de parler, voir les problèmes actuels dans les Antilles) que dans les autres îles, Mayotte exerce une attraction. Balladur, Pasqua, Chirac, Baroin (et probablement leurs successeurs, non évoqués dans ces images majoritairement tournés avant 2007) disent que ces insulaires (de la même nation, si vous suivez bien) sont des étrangers sans titre de séjour. Des clandestins. Qu'il convient d'expulser massivement. Un chercheur qualifie ces expulsions de "crime contre l'humanité", son avis serait à croiser avec d'autres parce que le terme est quand même très fort.

Un peu comme si on disait que les personnes d'une région française sont "clandestines" dans une autre région (la régularisation étant aussi kafkaïenne qu'une demande de régularisation d'un "vrai" étranger en France).

Le film, réalisé avec des bouts de ficelles (et ça se voit, y compris dans les textes défilants, avec un nombre de coquilles impressionnant), démontre tout ce système inqualifiable. Problème, comment y mettre fin ? Trop d'intérêts - parmi les plus inavouables - de la France sont en jeu pour espérer des progrès rapides. Première étape néanmoins, sensibiliser l'opinion à ce qui est commis, en notre nom. Le film remplit bien sa mission.

C'est Marion, du boulot, qui avait été intéressée par ce film; à raison. Avec Antoine, on a regardé le film avec le second (voire le troisième) degré qui nous caractérise. On peut rire, apprécier la musique (entraînante, parfois naïve mais souvent lucide), mais au fond, on a honte.

Rédigé par davveld

Publié dans #Cinéma

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