Chérie, nous allons gagner ce soir, de Fabien Sanchez

Publié le 3 Juin 2009


Recueil de nouvelles acheté à l'occasion du dixième anniversaire de la maison d'édition, La Dragonne, Chérie, nous allons gagner ce soir se caractérise par l'extrême brieveté des récits: de deux à sept pages. Quand on lit, comme moi, dans le métro, on peut en lire quatre ou cinq entre deux correspondances... à moins de s'interrompre entre deux stations, le temps de digérer les quelques phrases d'une nouvelle avant de passer à la suivante !

Les nouvelles de Fabien Sanchez font penser à Russell Banks. L'auteur, originaire de Montpellier, m'a conseillé, dans le même style, Dan Fante... J'essaierais, à l'occasion.
Dans les autres "rappels" que suscitent les textes de Fabien Sanchez, il y a ce qu'on appelle la "nouvelle chanson française". Des pages entières pourraient être des paroles de chansons de Vincent Delerm en particulier.
Des saynètes de la vie quotidienne, la plupart à Paris, souvent avec un personnage écrivain, entre dèche et classes moyennes, ce sont des récits qui oscillent aussi avec les "portraits de gens ordinaires" dans les médias, ou des mini-biographies dans le cadre d'un travail sociologique. Des personnages attachants même si on ne les suit que quelques instants.
Ca se lit facilement, chaque mot est pesé, sans prétention. De la belle ouvrage !

Extrait d'une des nouvelles, Le pont de Caulaincourt (en fait première moitié du texte !)

Il l'avait rencontrée la veille dans une académie de billard. La place de Clichy était son domaine. Il aimait flâner dans les cafés jusqu'à une heure avancée de la nuit. Le jour, il commençait son travail à treize heures, ce qui lui laissait le temps de récupérer.

Cela faisait près d'un an qu'il traînait ses guêtres de ce côté-là de Paris. Il n'avait pas trente ans.

Il était standardiste chez Bic. Il faisait ses courses tous les week-ends chez Ed, achetait Télérama tous les mercredis et Libération et Le Monde tous les jeudis et vendredis pour les suppléments littéraires. Il se disait qu'un jour il terminerait d'écrire son livre. Un livre sur sa femme. Ils s'étaient mariés jeunes. Il avait aimé porter l'alliance pour passer le bac. Ca vous posait un élève de terminale.

Son livre, il l'écrivait un peu tous les soirs en rentrant chez lui. C'était comme un journal de sa vie de couple qui s'était arrêtée deux ans auparavant. Depuis, il inventait. Le temps d'une heure ou deux devant son ordinateur, la vie qu'il menait avec sa femme. Il reprenait le fil de la journée, y ajoutant sa présence.

C'était une femme souriante et volontaire et sa vie à lui, réécrite de cette façon, passée à ses côtés, prenait une tournure plus gaie.

Place de Clichy il y avait le Bistro Romain, un endroit où il ne mettait jamais les pieds.

Une nuit, il s'y rendit pour manger avec cette fille rencontrée à l'académie de billard. Elle lui avait proposé de dîner avec lui là-bas.

C'était une jeune femme qui venait du Sud. Elle travaillait au Bazar de l'Hôtel de Ville. Elle n'était pas très loquace. Elle avait un côté ingénue de province et surtout une jolie allure et de beaux yeux marrons un peu tristes. Le contraire de sa femme.

Ils parlèrent de beaucoup de choses. Ils avaient peu de points communs, mais il se sentait bien avec elle. Il savait qu'il l'intriguait et se plaisait à la séduire. Elle aimait Balavoine. Ca lui rappelait son adolescence, disait-elle, les années insouciantes. Pour lui, cela avait été des années périlleuses et violentes.

Ils avaient beaucoup bu. Elle chantait Mon fils ma bataille, s'accrochant à son bras dans la rue, quand il lui proposa un dernier verre au Wepler.

(...)

 


Pour en savoir plus:
Site éditeur
Sur Wikipedia, un Fabien Sanchez cycliste, mais pas l'écrivain !

Rédigé par davveld

Publié dans #Livres

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