Les nuits de Vladivostok, de Christian Garcin

Publié le 5 Avril 2013

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Le nouveau roman de Christian Garcin s'acquitte à merveille de la mission que les circonstances lui ont donné: m'offrir une évasion littéraire au coeur d'une dissertation de philosophie et d'histoire du christianisme ancien au sujet aride... Je n'en attendais pas moins des Nuits de Vladivostok. On y retrouve, notamment, des souterrains, des chats, mais surtout des personnages: Zuo Luo ("Zorro"), le justicier chinois; Chen Wanglin, écrivain - auteur des aventures de Zuo Luo, avant de rencontrer l'homme qui porte ce nom -, mais aussi une grand-mère croisée dans un autre univers de Garcin, Shoshana Stevens, et d'autres "héros" encore.

Ces héros, justement, parlons-en, puisqu'ils sont toujours assez décalés, de ceux qu'on ne remarque pas et qui pourtant contribuent à ces battements d'ailes de papillon qui déclenchent des tempêtes à l'autre bout du monde. A Vladivostok, on vient de Chine donc, de Moscou également, mais aussi des bas-fonds new-yorkais (description incroyable au passage), de Corée, d'une île perdue sur le Baïkal (encore et toujours). On y vient à pied (là encore, des pages époustouflantes), en avion, en train (parfois en se trompant de quai).

Un bout du monde qui condense le monde, des petites histoires entremêlées avec la grande, une humanité entre errances et objectifs, une écriture redoutable de lucidité et virevoltante de poésie, c'est ça, les Nuits de Vladivostok. Encore bravo, M. Garcin ! 

 

"Ces pensées bruissaient en elle simultanément, sans ordre bien défini, et l'idée apaisante d'avoir devant elle deux journées à habiller à sa guise en un tel lieu suffisait à l'installer dans un cocon de joie tiède et de confiance en l'avenir immédiat qui dessina sur ses lèvres un sourire.
Vous êtes russe ? crut-elle entendre quelque part derrière elle.
Mais elle s'était trompée, car il n'y avait personne derrière elle, ni à côté - si l'on veut bien excepter, à cinq mètres environ, un chat qui fouillait les poubelles, et soudain s'interrompit en la fixant étrangement.
Mais non, c'est impossible, pensa-t-elle, un chat ne m'aurait pas vouvoyée. Puis elle s'étonna de cette réflexion. Plus loin, sur un chemin poudreux qui longeait la rive du lac, deux frêles solhouettes avançaient dans sa direction: l'une grande, l'autre moins, la plus grande étant manifestement celle d'une jeune fille, l'autre celle d'une vieille dame qui lui tenait le bras. Elles s'approchèrent et la saluèrent d'un sourire." (pages 47-48)

 

"Wanglin eut une moue peu convaincue. Il ne savait que penser, mais refusait de considérer à priori cette histoire comme inventée. Il était jeune encore, bien plus jeune que Zuo Luo, et avait appris à ne jamais considérer l'improbable comme impossible." (pages 154-155)

 

"Bref, conclut-elle, comme vous voyez, l'imagination est toute-puissante dès lors qu'il s'agit d'expliquer ou de tenter d'expliquer l'univers, ou les univers. Il vaut mieux dans ce cas laisser agir ce que Coleridge appelait 'the willing suspension of disbelief', n'est-ce pas. 'La suspension consentie de l'incrédulité.' " (page 239)

 

"Bref, le Russe moyennement embourgeoisé dans toute sa splendeur. Je n'avais pas vu s'il avait dans son 4x4 un chien dont la tête dodelinait à chaque soubresaut de la route, mais j'aurais été prêt à parier que oui. Tandis que je m'interrogeais sur l'extraordinaire universalité de ce mauvais goût petit-bourgeois, qui faisait que je retrouvais sur une île de l'Extrême-Orient russe le même intérieur, à quelques photos près, que celui de ma grand-tante de Marseille dans les années 1970, et que j'allais jusqu'à juger émouvant ce plus petit dénominateur commun de l'humanité intemporellement modeste et rabougrie de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle qui se trouvait résumé ici, Sibarov nous avait fait signe de nous asseoir et nous avait apporté plusieurs packs de bières." (page 264)

 


 

Pour en savoir plus:

 

 

Rédigé par davveld

Publié dans #Livres

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