La subversion du christianisme, par Jacques Ellul

Publié le 3 Avril 2014

Jacques Ellul ne se qualifie pas comme théologien; juriste, sociologue, philosophe même, c'est un penseur "global". Imprégné de protestantisme, mais aussi, témoin de son époque, proche du marxisme, il est vu par certains comme un quasi-prophète (par exemple sa critique de la technique). J'étais curieux de le lire, ayant personnellement une affection pour la réflexion transversale, mêlant sciences humaines et théologie.

La première approche (hors extraits lus ou mentionnés en cours) est donc via ce livre La subversion du christianisme. Son point de départ ? Alors que le christianisme, se diffusant, est devenu religion officielle de l'Empire romain, et qu'il a considérablement modelé nos sociétés, comment se fait-il que notre réalité soit si éloignée du message évangélique ? Pour Ellul, dans de nombreux domaines, les sociétés issues du monde chrétien sont même diamétralement opposées à l'esprit de ce qui peut être discerné par une lecture de la Bible. Il va s'attacher à détailler ces lieux où le christianisme n'a, selon lui, rien à voir avec ce qu'il devrait être; puis à en rechercher les causes (quand le christianisme devient religion des masses; quand il s'institutionnalise; quand il devient anti-féministe; quand il copie l'islam pour mieux le concurrencer; quand il ne parvient pas à se réformer sans produire de nouvelles dérives, quand il prône et diffuse des valeurs "scandaleuses" pour l'esprit humain, comme la tension entre liberté et sécurité...), et finir par une note un peu moins sombre, expliquant que malgré tout, la grâce surgit. Globalement, le propos est très radical, catégorique, véhément. Il fait référence à d'autres travaux dans son argumentation, ce qui allège le présent livre mais crée parfois une impression de déclarations plus tranchées qu'étayées. J'ai aussi eu du mal à discerner dans quelle mesure les processus de subversion évoqués étaient "inéluctables", et la conclusion n'esquisse pas de pistes pour corriger un tant soit peu la situation. Dans une approche très respectueuse de Karl Barth notamment, il rappelle l'action toujours première de Dieu.

Plusieurs passages m'ont particulièrement intéressés:

  • la réflexion sur l'ambivalence intrinsèque au christianisme dans le monde
  • celle sur le sacré et la sacralisation (y compris dans la Réforme)
  • bien sûr l'analyse du processus de patriarcalisation et de misogynie croissante dans les premiers siècles
  • le travail historique de mise en parallèle de l'évolution médiévale du christianisme et celle de l'islam (heureusement assez subtil, mais polémique)
  • les liens entre christianisme et pouvoir politique
  • les pistes pour interroger l'idéal de liberté
  • une façon de reconsidérer les puissances qui agissent dans le monde, et qui nuisent à l'avancée de la Bonne nouvelle
  • enfin, dans la toute fin de l'ouvrage, la réflexion sur le succès de Solidarnosc en Pologne dans le début des années 1980s (il omet néanmoins l'influence protectrice quasi-indéniable de la présence de Karol Wojtyla au Vatican...)

Je reste réservé (je n'ai pas encore d'opinion arrêtée sur le sujet) par la virulence du ton, le caractère catégorique des critiques (je ne sais pas, même si j'aurais préféré, si on aurait pu critiquer avec davantage de modération), mais sinon, vous l'aurez compris, je n'ai pas été déçu quant aux perspectives ouvertes !

La subversion du christianisme, par Jacques Ellul

Rédigé par davveld

Publié dans #Livres

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