Notre Terreur, une création d'Ores et Déjà au Théâtre National de la Colline
Publié le 24 Septembre 2009
J'étais allé voir, au printemps, La Cerisaie d'Anton Tchekhov et en avais profité pour découvrir la
salle la plus proche de chez moi, le Théâtre National de la Colline. Entré dans les mailing-lists de La Colline, je ne résiste pas à la tentation et décide de m'abonner pour cette saison
2009-2010: je ne vais pas assez souvent au théâtre, et à 8 euros la place pour du spectacle vivant de qualité, il serait dommage de s'en priver. Avec néanmoins des appréhensions, le programme
faisant la part belle à des créations contemporaines que je ne suis pas sûr d'apprécier ou même de comprendre.
Ce mercredi soir, la surprise a été bonne. Notre Terreur se joue au "Petit Théâtre" de l'institution, avec une configuration originale. La salle, rectangulaire, est
occupée par deux séries de gradins, sur chaque longueur. Les largeurs servent d'entrées, de coulisses... Au centre des gradins (style Chambre des Communes britannique donc), quatre très longues
tables mises bout à bout. Une douzaine de sièges type fornica. Sur cette table, quelques bouteilles, quelques clubs-sanwiches, une carte Michelin, un taille-crayons en forme de guillotine rouge,
des papiers, des stylos, un ballon de baudruche suspendu à une ficelle... Au cours de la pièce, les tables et les chaises seront déplacées, le sol souillé à de multiples reprises.
Notre Terreur, c'est un huis clos sur le Comité de Salut Public, ce gouvernement d'une dizaine d'individus qui a dirigé la France durant quelques mois entre 1793 et
1794. Ils sont là, avec des costumes du vingtième (pas du vingt-et-unième) siècle. Un logisticien, un poète, un stratège, un bricoleur, un défenseur des industriels, un représentant du Comité de
sûreté générale, Barrère en greffier-secrétaire, Saint-Just l'enflammé et impulsif, et bien sûr le très charismatique Robespierre. Au "départ", ils ne sont pas souvent d'accord, échangent des
arguments, parfois des coups. L'objectif de défendre la Révolution est le même, la question des moyens est quant à elle ouverte. Peu à peu, alors que la tension augmente, Robespierre confirme son
ascendant. On cherche à l'assassiner. A travers lui, ce serait la Révolution qui serait attaquée. Contre les ennemis de la liberté, un seul verdict possible, la mort. Mais à partir de quand
peut-on échapper à l'accusation d'ennemi de la Révolution ? Le Comité tourne mal. Jusqu'à la mort de Robespierre, fin de la pièce.
On a beau ne pas être familier avec la période historique, extrêmement dense et confuse, on se prend très vite au spectacle. Certes, le monologue introductif est un peu long (probablement plus de
15 minutes) mais il constitue une belle performance d'acteur.
Ensuite, les dialogues et débats de l'époque sont d'une actualité et d'une pertinence remarquables. Pêle-mêle: comment défendre la liberté ? une révolution sans morts d'innocents est-elle
possible ? comment gagner la confiance du peuple ? comment juger les personnes commettant des abus ? faut-il obéir aux ordres ou pousser son avantage militaire ? peut-on éviter, même avec de
bonnes intentions, de sombrer dans la dictature en voulant imposer la vertu ? la liberté est-elle vaine sans justice ?
Les personnages, de prime abord un peu caricaturaux, permettent au public d'avoir l'illusion d'être ethnologue/sociologue en étudiant les interactions dans ce petit groupe. Ils sont tous très
bien interprétés, avec une mention spéciale pour les performances de "Robespierre" et "Saint-Just".
Il y a aussi d'excellents moments, comme le slam sur la mort de Danton, la leçon d'équitation sur des chaises et autour des tables...
Une pièce bien réalisée sur un thème original et judicieusement choisi: une réussite, donc.
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